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Des fleurs coupées, de la graine au bouquet !

Atypique et osé : en 2019, Isabelle Chanclud, conseillère en chambre d’agriculture, s’est reconvertie, comme elle se définit elle-même, en « agrifleuriste ». Elle a créé sa ferme et propose, en direct, ses créations à base de fleurs fraîches et séchées.

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«Je passais tout mon temps à aider des porteurs de projets à réaliser leurs rêves, il ne fallait pas que je passe à côté des miens », raconte Isabelle Chanclud, pleine d’énergie. Après s’être investie durant une trentaine d’années à la chambre d’agriculture de Seine-et-Marne, notamment en tant que conseillère diversification et circuits courts, elle se lance à son tour dans l’aventure « afin de ne rien regretter ».

Ses trois filles étant désormais « parties de la maison et autonomes », c’était le bon moment pour prendre des risques. Des idées, elle en avait plein la tête, encore fallait-il trouver la bonne, qui réunirait tous ses objectifs : se retrouver (pour cette fille, sœur et épouse d’agriculteurs) « les pieds et les mains dans la terre », travailler avec Jean-Michel, son mari céréalier, et monter un projet avec une dimension artistique.

Agrifleuriste, pour justifier la provenance des bouquets

Celle qui établissait des bilans de compétences et accompagnait les agriculteurs dans leurs projets s’applique à elle-même les outils et tests pour mieux définir ses envies et besoins. L’évidence lui saute alors aux yeux. Elle qui prenait « depuis toujours des cours de composition florale » en tant que loisir sera agrifleuriste. « J’ai fait le choix de cultiver des fleurs et de valoriser ma production jusqu’au client final afin de justifier de la provenance des bouquets », témoigne-t-elle.

Alors qu’elle pensait tout d’abord prendre le temps de se former, l’occasion de reprendre les 60 ha d’une exploitation voisine accélère la concrétisation du projet, en juin 2019.

« Ensuite, tout s’est enchaîné très rapidement », relate-t-elle. Diplômée d’un BTS productions végétales, elle reprend une formation en reconversion de un mois en juillet 2019 pour préparer un CAP au sein de l’École des fleuristes de Paris. « J’effectue deux stages : l’un auprès de Fleurs de cocagne, une structure d’insertion par l’activité économique de personnes fragilisées à Avrainville (91), l’autre chez un fleuriste de Moret-Loing-et-Orvanne (77). En août, je démissionne et je m’installe en novembre 2019. »

Sur les 60 ha repris, 5 000 m² sont dédiés­ à la production de fleurs, le reste est cultivé en céréales, essentiellement par son époux. Isabelle, quant à elle, sème une soixantaine d’espèces de fleurs bisannuelles, annuelles et vivaces, et utilise du cassis pour le feuillage.

Des études de marché et une photographe !

« J’ai fait réaliser une étude de marché par une consultante privée afin, notamment, de mieux définir les débouchés potentiels... Cela a confirmé qu’il existait une réelle demande locale pour les fleurs françaises fraîches et séchées. »

Actuellement, Isabelle est présente dans deux marchés de son département, à Bois-le-Roi le jeudi matin et à Avon le samedi matin. Le samedi après-midi, elle ouvre également les portes de son exploitation.

« De juin à octobre, les fleurs sont récoltées la veille pour être vendues dès le lendemain, explique-t-elle. Je parviens à vendre tous les bouquets préparés, sauf une fois où je les ai donnés aux résidents d’un Ehpad voisin. » Toujours dans le département, elle approvisionne deux boutiques La Ruche qui dit oui, à Montereau-Fault-Yonne et Fontenailles, plus un magasin fermier à Nonville.

« Afin de raconter mon histoire aux clients­ et partager mes valeurs autour d’une production locale et écoresponsable », je m’appuie sur un book garni de photos qui expliquent les différentes étapes, de la production au bouquet. « Lors du deuxième confinement, je n’ai pas eu le droit de vendre dans les marchés : j’ai donc mis en ligne une boutique dès la fin novembre 2020 pour les fleurs séchées. Ce système a bien fonctionné. J’ai travaillé avec une photographe locale pour mettre en valeur mes créations. À la sortie du confinement, beaucoup de marchés de Noël ont été annulés. Je n’ai pu me rendre qu’à celui de Fontainebleau et celui de ma commune, La Grande-Paroisse, mais les ventes de fleurs séchées ont été au rendez-vous. »

Une graphiste voisine, pour la visibilité de l’entreprise

Pour 2021, Isabelle prépare l’ouverture d’une boutique et d’un atelier plus grand dans son corps de ferme afin d’organiser des stages de composition de bouquets de fleurs, aussi bien fraîches que séchées.

Elle souhaite également développer ses prestations pour les mariages, anniversaires ou funérailles, ainsi que la décoration de vitrines de boutiques­, d’entreprises, de restaurants, de chambres d’hôtes... ponctuellement ou par abonnement.

Pour assurer sa visibilité, l’agrifleuriste a créé un compte Facebook et Instagram dès le mois d’août 2020 « Champêtre – Ferme florale des bords de Seine ». « J’ai collaboré avec une graphiste voisine pour créer ma marque, mon logo, ma charte graphique, mes flyers et mon site In­ternet, qui sera associé à mon site marchand... En prônant certaines valeurs comme l’achat local, je me dois de les respecter moi-même en travaillant avec des professionnels des environs. C’est un réel plaisir ! »

Une tutrice du Collectif de la fleur française

Concernant les aspects techniques, Isabelle s’appuie sur deux sources :

- l’accompagnement par une conseillère en maraîchage (production la plus proche de la sienne) du Pôle de compétitivité technique en agriculture biologique de la chambre d’agriculture d’Île-de-France ;

- le suivi par le Collectif de la fleur française. « En tant qu’adhérente à cette association au service du mouvement “slow flower”, j’ai pu rencontrer une productrice en Bretagne qui est devenue ma tutrice et qui me coache. Par ailleurs, nous organisons­ une visioconférence chaque semaine entre producteurs sur un sujet que nous avons choisi afin d’échanger nos expériences : la gestion des rotations, les bulbes, le coût de revient... »

L’objectif d’Isabelle est aussi de cultiver des fleurs de manière durable, en limitant la consommation et le gaspillage des ressources,comme la production de déchets. Dans cet esprit, « j’utilise au champ des toiles tissées en planche (1,20 m sur dix à trente mètres) pour limiter la présence d’adventices. Elles devraient résister les dix ans que va durer mon projet, ensuite on verra... »

À peine installée, Isabelle Chanclud pense déjà à la transmission de son activité, pourquoi pas à l’une de ses filles. En attendant cette échéance, à voir ses yeux qui brillent lorsqu’elle parle de son projet derrière son masque, gageons qu’elle s’épanouira pleinement à produire ses fleurs, à créer ses compositions et à partager sa passion avec ses clients. Vraiment, l’agrifleuriste n’a rien à regretter de sa reconversion professionnelle, à un peu plus de 50 ans.

Florence Mélix

© I. CHANCLUD - Autrefois conseillère diversification et circuits courts, Isabelle Chanclud s’est reconvertie dans la production de fleurs coupées. I. CHANCLUD

© F. M. - Après le second confinement, l’agrifleuriste a créé une boutique en ligne dès fin novembre pour les fleurs séchées, qui a eu du succès. F. M.

© F. MÉLIX - Les bottes d’une dizaine de tiges sèchent naturellement dans le grenier, au minimum trois semaines. F. MÉLIX

© F. M. - « Une étude de marché, par une consultante privée, a mieux défini les débouchés potentiels », assure Isabelle Chanclud. F. M.

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